Lorsque les pratiques multilingues en contexte professionnel international sont encadrées par des politiques linguistiques, elles donnent un point d’ancrage pour mesurer les oscillations entre le « prescrit » et l’«existant ». La caractérisation des pratiques multilingues d’une entreprise aéronautique européenne et de l’UNESCO demande de placer notre recherche à la croisée des champs de la linguistique, de la didactique des langues, de la sociologie, et de la psychologie sociale et cognitive. Nous allons présenter les résultats d’analyse des besoins déclarés par les salariés eux-mêmes, des interactions enregistrées en réunions et aussi des bilans d’entretiens.
Ces deux terrains de recherche ont des caractéristiques linguistiques similaires : l’utilisation de l’anglais comme langue véhiculaire, la localisation d’un site à Hambourg en Allemagne, leurs sièges sociaux respectifs en France, des communications régulières avec des sites en zone hispanophone, ainsi que l’offre de cours d’anglais, de français, d’allemand et d’espagnol auprès de leurs employés. La polyphonie des discours sur les pratiques multilingues en entreprise montre les tensions existantes entre le choix de l’usage de l’anglais comme lingua franca et celui du français, de l’allemand et de l’espagnol qui ouvre différents « univers du discours » (Charolles 1997). A partir de la question de cadrage, envisagé au plan linguistique comme au plan sociologique, nous essayons d’établir le lien entre posture professionnelle et pratiques langagières. Il semblerait que les faits de pluri-compétences, de pluri-linguisme, de multi-linguisme et de pluri-activités donnent matière à repenser nos méthodologies d’enseignement des langues. Par ailleurs. La relation d’aide (Amério 1991, Lejot 2014) entre les employés favorise le développement des compétences linguistiques dans la langue cible.
Notre objectif est ici de faire un lien entre les besoins linguistiques et culturels identifiés en milieu professionnel et le développement des compétences multilingues en milieu universitaire.
La personne bilingue n’est pas une somme de deux personnes monolingues (Grosjean 1989), et au même titre, l’enseignement plurilingue n’est pas une somme d’enseignements monolingues au sein d’une même formation en langues appliquées. Des recherches en linguistiques comparatistes (Huemer, Lejot, Deroey 2019) et des méthodes pédagogiques basées sur l’autonomie de l’étudiant ouvrent des perspectives à explorer ou à approfondir.
Eve Lejot est maître de conférences en linguistique appliquée et enseignement des langues.
Elle est la coordinatrice des cours de français académique intégrés aux programmes d’études de l’Université du Luxembourg. Auparavant, elle était chargée de cours aux États-Unis, en Allemagne et en France.
Elle a obtenu son doctorat en linguistique dans le cadre d'une cotutelle franco-allemande entre l’Université de la Sorbonne Nouvelle et l'Université de Hambourg : le sujet du doctorat a porté sur les pratiques multilingues des employés d’Airbus et de l'Unesco à Hambourg. Elle est également titulaire d'un Master en didactique des langues et communication interculturelle de la Sorbonne Nouvelle.
Elle est dorénavant rattachée à l'Unité de Recherche Identités, Politiques, Sociétés, Espaces (IPSE). Sa recherche concerne l’analyse des discours en milieux universitaire et professionnel multilingues, la didactique des langues et le français sur objectif universitaire.
Elle a coordonné un projet européen franco-allemand Erasmus+ (2017-2019) Language Centres Greater Region, ayant pour but de développer les compétences linguistiques et interculturelles des étudiants en mobilité. Elle continue sur cette thématique dans le cadre du projet européen RECTEC+ coordonné par l’académie de Versailles (2019-2021) en se concentrant sur la reconnaissance des compétences acquises par les étudiants.
A partir du positionnement épistémologique transdisciplinaire qu’impose la mise en place de dispositifs d’enseignement/apprentissage (Narcy-Combes et Narcy-Combes, 2019), un regard différent sera proposé sur les construits du domaine de la linguistique appliquée. En se tournant vers le constructionnisme social (Berger & Luckmann, 1966), on perçoit que la validité ontologique de ces construits est loin d’être assurée comme le souligne toute la différence entre parler ce que certains appelle « named language » (Douglas Fir Group, 2016) et le fait de recevoir ou de produire de la parole/du discours. De ce fait, nous privilégierons les conceptions où le neurophysiologique et le(s) contexte(s) sont pris en compte et où une conception nomothétique de l’humain est rejetée (Churchland, 2002). Pour nous, de ce fait, les obstacles épistémologiques de Bachelard (par exemple) sont confirmés par les recherches sur les biais cognitifs (Dehaene, 2011/12), alors que le construit modulaire de Chomsky reste soumis à débat (Randall, 2007). Depuis Vygotski (ed. 1997) et Piaget (1970), on postule qu’apprendre c’est agir. Il importe alors de comprendre les liens entre la métacognition et l’action pour déterminer leurs places respectives dans les apprentissages. Nous nous interrogerons donc sur ce qui sépare le chercheur en linguistique appliquée qui produit des descriptions du langage dit spécialisé et l’apprenant qui a pour objectif de recevoir et de produire du discours dans des contextes spécifiques. Il restera à déterminer les conséquences de ces différences sur les dispositifs et les tâches proposées aux étudiants dans les différents contextes d'intervention. Nous nous appuierons sur des exemples de dispositifs issus de recherches de terrain (Narcy-Combes M-F. et al., 2019) pour montrer comment la validité de ces positions est confirmée et quels problèmes elles soulèvent.
Jean-Paul Narcy-Combes, Professeur émérite des universités (sciences du langage), Université Sorbonne-Nouvelle
Domaines de spécialité : Didactique, épistémologie, dispositifs, tâches...
Ancien directeur du DILTEC, EA 2288 (Sorbonne Nouvelle). Actuellement impliqué dans des réseaux européens (Langscape), l’AILA (Président d’honneur de l’AFLA), et dans les pays du Maghreb.
Auteur de Apprendre une langue étrangère, le cas de l’anglais, 1990, Editions d’organisation, Didactique des langues et TIC, vers une recherche-action responsable, 2005, Ophrys. Co-auteur de Second Language Distance Learning. Theoretical Perspectives and Didactic Ergonomics. Hershley PA: IGI Global (2010), Cognition et personnalité dans le développement langagier. Relier théories et pratiques : Didier (2019) et de Language Learning and Teaching in a Multilingual World (2019), Bristol, UK : Multilingual Matters.
Marie-Françoise Narcy-Combes. Professeur émérite des universités (études anglophones), Université de Nantes, Membre du CRINI EA 1162
Domaines de spécialité : Didactique de l'intervention, plurilinguisme, multilittératies, contextes et contenus, dispositifs et tâches.
Anciennement responsable du Master Didactique des Langues et des Cultures et directrice de la filière LEA. Impliquée au Maghreb avec Jean-Paul Narcy-Combes.
Auteur de Précis de didactique des Langues, 2005, Ellipses et de La communication interculturelle en anglais des affaires, 2006, PUR. Co-auteur avec Jean-Paul Narcy-Combes de Cognition et personnalité dans le développement langagier. Relier théories et pratiques : Didier (2019) et de Language Learning and Teaching in a Multilingual World (2019), Bristol, UK : Multilingual Matters.
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